Beaucoup ont dit que la génération de console qui est actuellement en train de toucher à sa fin est celle où le RPG japonais est tombé (et le jeu vidéo japonais tout court, pour certain-e-s). Les exemples sont en effet nombreux pour prouver à quel point certains acteurs du milieu n’ont pas réussi à faire face aux assauts des studios nord-américains ou européens. Et puis parfois, c’est la presse JV dans son ensemble qui semble passer à côté de certains jeux. Je ne parle pas des titres très versatiles comme Bioshock Infinite qui a tantôt plu, tantôt déchaîné les foudres. Non, je parle de Nier, cet Action-RPG croisé avec un beat them all qui réussit l’exploit de cliver entièrement les joueurs et les joueurs : d’un côté la presse, de l’autre le commun des mortels. Mais qu’a-t-il bien pu se passer ?
Un jeu techniquement daté dès sa sortie
Le souci avec Nier, c’est sa réalisation graphique. C’est un élément qui a été évoqué dès le début. Et effectivement, lorsque l’on joue, on est directement saisi par la piètre qualité des textures. Dès sa sortie, le jeu a été vivement critiqué sur ce point. Mais je ne fais pas partie de celles et ceux qui jugent un jeu sur ses graphismes. Je trouve simplement que cela apporte une meilleure immersion, grâce notamment à sa direction artistique. Cette dernière est justement réussie : bestiaire original, ambiance des différentes villes très singulières etc. Seul le chara design du héros est répugnante (oui oui).
Pourtant, au niveau technique, Nier ne souffre pas énormément. Malgré quelques rares ralentissements lorsqu’il y a trop d’ennemis à l’écran, le reste est plutôt fluide. Les différents spéciaux en jeu sont assez pauvres, et une vilaine sensation de voile terne semble tout le temps constante. Dommage. Il faut également regretter une caméra parfois capricieuse, et une impossibilité de verrouiller les ennemis.
Un genre à la croisée des chemins
L’un des points originaux de Nier, c’est son genre qui est un mélange entre le Action RPG et le Beat Them All. Moi qui ne suis pas fan de ce deuxième, j’ai été surpris d’apprécier. Peut-être justement parce que cet aspect n’est pas si développé que ça : en réalité, il se résume surtout à tuer des monstres dans tous les sens, mais seulement à certains moments du jeu. Mais à certains moment, la vue « au-dessus » rappellera des jeux bien plus connus !
Le côté RPG, lui, est bien plus développé. Outre l’augmentation des niveaux grâce à de l’expérience acquise en tuant des monstres, vous aurez des armes à récupérer, et des pouvoirs magiques à débloquer (dans la première partie du jeu). Chaque arme, sort, ou action d’esquive/blocage peut être améliorée grâce à des « qualificatifs » que vous débloquerez en tuant des monstres. Ces attributs confèrent aux éléments auxquels vous les rattacherez des améliorations de dégâts, de puissance magique, d’expérience gagnée, d’endurance etc. Chaque type de qualificatif dispose de plusieurs paliers mais il vous faudra trouver celui-ci de la même manière que le précédent : en tuant des monstres.
On peut regretter la rigidité de certaines actions comme les déplacements rapides à dos de sanglier qui sont un peu raides, ou encore la récolte d’objets au sol qui est un peu longue. Ces actions semblent dater d’un autre âge et « cassent » l’action en cours, ou rend pénible certaines autres. Dommage.
Des séquences de combat très prenantes
L’un des cœurs d’un RPG, c’est son système de combat. Celui-ci ne déroge pas à la règle en proposant quelque chose de dynamique, de prenant et qui procure une réelle sensation de liberté. Selon l’arme que vous équiperez, votre style de combat changera. Par exemple, j’ai commencé comme épéiste en équipant des épées à une main très légères et donc très maniables. J’aime bien infliger des dégâts rapidement, de gros dégâts tant qu’à faire. Avec une épée à une main, vous avez la possibilité de frapper à peu près à tout le monde autour de vous ; il en est de même si vous équipez une arme à deux mains, mais elle est beaucoup plus lourde et lente. En appuyant sur Triangle, vous effectuez une attaque spéciale spécifique à chaque type d’arme. Avec une arme d’hast, que j’apprécie particulièrement dans ce jeu, vous n’attaquerez quasiment que ce qui se trouve devant vous. Mais l’attaque spéciale est probablement la meilleure : une sorte de dash (un déplacement très rapide vers l’avant, en transperçant tout ce qui se trouve devant vous de votre arme d’hast). Celui-ci permet également de récupérer les drops des ennemis ainsi terrassés.
Le monde de Nier est semi-ouvert. J’entends par là qu’il vous sera possible de vous rendre dans les différents endroits possibles presqu’à tout moment. La plaine septentrionale est en quelque sorte l’endroit du jeu où vont se trouver reliées toutes les zones ou presque. Votre point de chute restera néanmoins votre village puisque c’est là que vous récupérerez la plupart de vos missions principales.
Un beau roman, une belle histoire
Nier est le père de Yonah. Elle est atteinte de la nécrose runique, une maladie qui tue de plus en plus de monde ces derniers temps. Le père va donc parcourir le monde entier afin de trouver un moyen de la sauver. Il sera accompagné d’un étrange grimoire, Weiss, qu’il rencontrera très tôt dans l’aventure. Plus tard, il rencontrera de nouveaux compagnons tous plus originaux les uns que les autres, et qui l’accompagneront dans ce périple.
Chaque personnage dispose de sa propre personnalité. Même s’ils ne sont pas énormément travaillés, ils sont plutôt attachants et donnent envie d’en savoir plus sur leurs histoires respectives. Ainsi, Weiss, le grimoire volant, aura tendance à être très cynique dans sa manière de parler, tandis que Kainé aura une propension à lâcher un nombre d’insultes à la minute plutôt élevé. Mais tous ont un lien profond avec le monde très sombre du jeu.
Car justement, l’ambiance générale et l’histoire de ce monde est terriblement sombre. Une sensation de perte d’espoir transparaît presque constamment malgré certains passages plus joyeux. Les ombres (l’ennemi du jeu) sont de plus en plus nombreuses et semblent menacer davantage les humains qu’auparavant. Nier s’est juré de détruire ces ombres jusqu’à la dernière, surtout à partir de la seconde partie du jeu. Je ne vous en dis pas plus car le scénario doit se laisser découvrir tant il est saisissant. Notez cependant que la relation entre Yonah et Nier est vraiment touchante ; une vraie relation père-fille.
Enfin, Nier dispose de quatre fins différentes. Généralement, lorsque je joue à un tel jeu, je n’y joue qu’une fois et je regarde les autres fins sur des sites de partage de vidéos (À part Deus Ex Human Revolution, par exemple). Mais concernant Nier, l’affaire est toute autre : lorsque vous terminerez une première fois le jeu, vous n’aurez pas tous les éléments pour saisir le jeu. En réalité, vous n’aurez eu la fin que d’un seul angle. Le jeu vous incitera à le refaire une deuxième fois mais à partir de la seconde partie. Vous conserverez toutes vos armes, argent, quêtes secondaires accomplies etc. Du coup, tout devient plus facile et il ne vous faudra que quelques heures supplémentaires pour voir la fin B.
Dans ce second run, certaines scènes supplémentaires seront ajoutées, rendant ainsi l’exercice relativement différent de la première fois, et en vous permettant d’aborder la chose sous un autre angle, sous un autre point de vue, en se rendant compte alors de tous les malentendus qui règnent entre les belligérants. Et c’est là le coup de génie du titre de Square Enix : donner une meilleure rejouabilité en changeant légèrement la trame du jeu lors du deuxième passage. Vous apprendrez ainsi de nouvelles choses et vous aurez de nouvelles réponses aux questions restées en suspens.
Concernant les deux dernières fins, il vous faudra une nouvelle refaire le jeu à partir de la seconde partie mais en ayant toutes les armes, ce qui est relativement facile. Notez que pour la quatrième fois, il vous faudra seulement charger la sauvegarde juste avant le dernier donjon, puisque les fins C et D ne sont qu’un choix à faire à la fin. Je regrette cependant que la dernière fin, la D, celle qui efface toute vos sauvegardes du jeu, ne soit plus grandiose et que’un grand nombre de questions sur l’univers du jeu reste sans réponse.
Un level design classique mais efficace
Justement, les différents donjons, parlons-en. Si leur design est assez classique et simpliste, leur apparence est agréable. Ils sont très variés. Vous serez dans un environnement aérien dans le village de l’Aire, dans une ambiance mécanique dans la Colline Aux Robots ou encore dans quelque chose d’onirique dans la Forêt des Légendes. Cette dernière, justement, est assez originale, puisqu’il s’agira essentiellement de textes à lire, sans forcément combattre. Audacieux, et j’ai beaucoup aimé.
Presque tous les boss ont une technique propre pour les battre. Si généralement il s’agira de frapper au bon endroit, il vous faudra faire attention dans les premiers instants. Cela-dit, dès que vous aurez la très probable meilleure arme du jeu, à savoir la Pertuisane du Phénix, plus rien ne vous fera peur, et les boss ne tiendront que quelques coups. Trop facile, mais appréciable quand vous ferez votre deuxième et troisième run du jeu.
Probablement l’un des meilleurs RPG de la génération
Après avoir terminé le jeu en ayant vu les quatre fins (ce que je ne fais que très rarement), je reste étonné de voir à quel point la presse spécialisée est passée à côté. Les joueurs et les joueuses ne semblent pas s’y être trompé-e-s au vu des notes de metacritic, mais les professionnel-le-s, eux/elles, ont trouvé le jeu en deçà de leurs attentes.
Alors certes, graphiquement le jeu n’est clairement pas à la hauteur, mais tout le reste est véritablement réussi. Que ce soit l’histoire torturée et mature, ou la musique absolument sublime, très peu de choses sont à jeter dans ce Nier. Faute de budget pour la qualité de la réalisation, les développeurs ont probablement tout misé sur le scénario et l’originalité du gameplay, et c’est réussi.
Malgré une presse spécialisée qui est passée radicalement à côté de ce bijou, Nier reste probablement l’un des meilleurs RPG de cette génération, et probablement l’un des meilleurs auxquels j’ai pu jouer. Un effort graphique aurait assurément permis au jeu de se placer dans la lumière pour que davantage de personnes l’apprécient à sa juste valeur. Néanmoins, passer à côté de Nier si vous êtes un-e fan du genre serait une réelle erreur, tant le jeu brille sur bien des points. Je l’ai terminé, et je regrette d’avoir quitté cet univers si saisissant.
Toujours agréable de lire une critique qui a tout compris de ce jeu sublime.
Si tu souhaites comme tu le dis avoir plus d’infos sur l’univers et l’histoire, n’hésite pas à lire la traduction amateur trouvable sur le net de « Grimoire NieR », un guide du jeu qui dévoile beaucoup sur le background à la fois des héros mais aussi (surtout) des antagonistes.
Merci ! Et merci de l’info, j’ai justement commandé la semaine dernière ce Grimoire Nier. J’attends de le recevoir et je regarderai la traduction 🙂 !
Difficile d’analyser exactement ce qui a échoué commercialement pour NieR en Europe. Les graphismes, probablement, et une approche loin d’être au 1er coup d’œil peut-être. J’en garde de bons souvenirs sur Xbox 360. Je n’ai malheureusement pu finir le jeu que 2 fois (2 fins) … :'(
J’imagine que divers critiques se sont arrêtés à la première partie : monumentale erreur pour NieR.